littérature sauvage, textes inclassables et autres curiosités

Que fait-on du monde ?

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épuisé

92 p. illustration de couverture : Nicolas Rouxel-Chaurey

ils en ont dit :

Le Bien Public (10 juillet 2008)

Quarante villes, comme volées au puzzle du monde. « Se vouloir sujet du monde c'est prendre le risque d'être en chaque lieu celui qui doit en porter
le poids », explique l'éditeur auxerrois de ce livre de Jacques-François Piquet. Quarante visites empreintes de la violence et de la poésie du monde,
raconté par un esthète du verbe. Nous sommes tous Tchétchènes, nous avons vu le soulier rouge d'Isabel à Madrid, et Selma la masseuse à Bagdad ne
parvient plus à effacer de notre mémoire les explosions. Un livre à lire et à relire jusqu'à le comprendre au plus profond du cœur
(J.R.)

Diérèse  n°37 (Andrée Barré)

...Nous voici, nous lecteurs, "pénétrés du monde"... inéluctablement présents et impitoyablement concernés et interpellés : nous sommes dans le livre noir du monde.

Encres vagabondes (Serge Cabrol)

Brèves (Michel baglin)

Cette élégie pour quarante villes, construit par textes brefs une sorte de long et terrible témoignage sur le monde et la souffrance de ceux qui l'habitent.

Mais attention, le mot « témoignage » est ici à manier avec précaution, car il n'a rien de journalistique. Tout au contraire, il évoque une posture diamétralement opposée à celle de l'observateur. Tout ici dit « je », est impliqué dans les drames vécus en tous lieux de la planète. Il s'agit toujours de témoignages « de l'intérieur », livrés à la première personne, en situation et en protagoniste. Victime devenue bourreau, soldat perdu ou femme martyrisée, enfant jeté sur les routes par les bombardements, immigré, témoin impuissant subissant l'état du monde et - toujours réactualisé - l'« échec à vivre ensemble ». Pas de regard extérieur, donc: Jacques-François Piquet n'informe pas, il donne à partager la misère des hommes par une écriture qu'on pourrait dire « citoyenne », si le mot lui aussi n'était aujourd'hui tellement banalisé. « Se vouloir sujet du monde c'est prendre le risque d'être en chaque lieu celui qui doit en porter le poids », écrit justement Michel Séonnet, résumant avec force le propos et le mérite de ce petit livre où l'auteur donne toute la mesure et de son empathie, et de son talent à suggérer en un style nerveux, rapide, efficace, la souffrance que l'actualité dissimule sous les bulletins d'info.

La Tribune de la région minière (Lucien Wasselin)

"Cette facon d'aborder le réel dans un texte littéraire permet d'éviter les pièges de la fausse objectivité du reportage /.../ Jacques-François Piquet pose le problème du réalisme, mine de rien, dans ce livre. Il constate l'état du monde mais ne donne pas de solutions... si la littérature a un pouvoir, c'est bien celui d'amener le lecteur à réfléchir, à trouver ses solutions pour, peut-être, changer le monde..." 

Remue.net (Dominique Dussidour) et 
la lettre de remue.net
(Guénaël Boutouillet)

La luxiotte (Alain Jean-André)

LeLitteraire (Isabelle Roche)

Yonne Mag (Vincent Roussot) : Sous le grand chapiteau du cirque médiatique, les détresses ne font qu'un petit tour et puis s'en vont. Ainsi tourne un monde qui se repaît des douleurs et jongle avec les plaies pour mieux goûter son confort. Jacques-François Piquet, lui, a une mémoire vive. En 40 instantanés, il raconte autant de douleurs et de villes. 40 visites éclairs, 40 allers sans retours, 40 invitations à se rappeler avant d'oublier. Ce tour du monde mélancolique est publié aux éditions Rhubarbe, petite maison auxerroise consacrée aux « écrits non identifiés ». Un homosexuel brûlé vif à Lens, un parent en larmes à Charm El Cheikh, un Esquimau chassé de Thulé, un mineur dépouillé à Creutzwald... Jacques-François Piquet dit des tourments, dans un style éclatant. Ce chapelet est fait de textes, ni poèmes en prose ni nouvelles. L'usage de la première personne ne laisse aucun échappatoire aux lecteurs. Parce que je est à la fois l'autre et nous.

l'ivre de lecture (Pascale Arguedas)

Geneviève Silvestro : "A ceux qui pensent que le monde tournera toujours, quoi qu’il arrive, que tout ce qui se passe est ailleurs, pour les autres, mais surtout pas pour soi. Jacques-François Piquet, au travers de son élégie pour villes modernes, nous fait bien réfléchir. Ou tout du moins, dans un premier temps, réagir. Parce que le livre se lit en deux fois, voire en trois, comme une élégie. Le mot prend son espace dans la page, pour mieux dire la violence et le désarroi du « je », qui est un autre, ou tout autre dans la misère, l’angoisse, la guerre, la pauvreté, l’humiliation, le crime, la perversité. C’est un autre, et pourquoi pas soi ? Pourquoi pas moi ? C’est ainsi que les mots se succèdent à vive allure, sans nous donner le temps de respirer, passant d’une page à l’autre avec les yeux exorbités de tant de possibles, de tant d’espaces contre nature qui nous absorbent, nous dérangent, nous invitent à nous vider de toute substance pour ne rester qu’un corps de chair meurtrie.

Que fait-on du monde ? élégie pour quarante et quelque villes

(nouvelle édition revue et augmentée de Que fait-on du monde, 2008)

Quarante villes. Et autant de fois je qu’il y a de villes. Je suis un soldat de Tbilissi. Je suis un touriste sexuel à Sally-Portudal. Je suis un vieillard de Marseille. Je suis un veuf à Charm-el-Cheikh. Je suis je en même temps des deux côtés du mur-frontière israélien. Je suis je aux quatre coins du monde. Autant de fois je qu’il y a de villes, et quarante, ça vaut pour toutes. Je n’est pas seulement un autre. Mais tous les autres possibles vers lesquels l’écriture conduit. Je est un pêcheur de Thulé. Je est un trafiquant d’enfants à Bam. Je est une femme de Kilipala. Ici, toutes les fuites possibles (exotiques, touristiques, esthétiques même) sont abolies. On ne peut entrer dans chacune des villes qu’à la première personne. Voilà le péril lorsque écrire est manière de répondre à l’appel du monde. Se vouloir sujet du monde c’est prendre le risque d’être en chaque lieu celui qui doit en porter le poids. « Pourquoi se souvenir, pourquoi évoquer le passé quand à lui seul le présent pèse du poids du monde ? » Alors on va. Pendant un an comme si c’était un siècle. De ville en ville. De je en je. Je est un homosexuel brûlé vif à Lens. Je est un vendeur de montres à Bagdad. Ce monde terrible et éblouissant, c’est chez nous, chez moi. Le parcourir, c’est laisser monter la plainte, l’élégie qui vient nous arracher de derrière nos abris de témoins si lointains, journal, écran télé. Nous voici devenus protagonistes du monde. Nous voici mis au monde.
Michel Séonnet